Le retour de Khan – et du nuage noir

Vendredi. Dernier jour de boulot avant les vacances. Grand soleil, pas envie de bosser. Aligner quand même 13 pages dans la matinée, et puis décider que c’est marre. Enfiler la petite jupe blanche à broderies corail dénichée chez Promod l’autre jour et un vieux T-shirt H&M rayé; attraper un cabas en tissu et descendre faire quelques courses. Dans le piétonnier de la place Jourdan, les terrasses sont de sortie et il ne reste pas une table de libre. Par contraste, la salle du Taihon est complètement vide. S’y réfugier dans une moiteur familière, bouquiner un peu en attendant l’arrivée du menu lunch. Repartir de bonne humeur. S’arrêter à la pharmacie et demander quelque chose pour ce mal de gorge qui dure depuis plusieurs mois. La vendeuse écarquille les yeux, l’air de dire que c’est anormalement long quand même. Et paf! Retour du nuage noir. Faire semblant de ne pas le voir; se dire que si on l’ignore, il finira sans doute par disparaître de lui-même. Acheter quelques bricoles chez Be Positive. Sur le chemin du retour, s’offrir la première glace de l’année chez Capoue – une boule à la pêche, délicieusement rafraîchissante. Ranger les courses, hésiter sur la façon d’employer le reste de l’après-midi. Finir sur le lit avec le 5ème tome des Spellman. Fatiguée, fatiguée, fatiguée. Tenter une sieste entre 16h et 16h30, ne pas dormir mais se sentir à moitié abrutie. Envisager de laisser l’amoureux aller au ciné tout seul avec les amies ce soir. Se dire que non, au contraire, il faut se forcer pour se changer les idées. Voiture coincée dans les embouteillages, coup d’oeil à l’horloge du tableau de bord, si ça continue on va être en retard et on n’aura pas le temps de grignoter à l’Exki avant la séance. Même la fébrilité n’a que peu de prise sur l’angoisse. Qu’est-ce que ça peut foutre de sauter un repas alors que si ça se trouve on est en train de mourir? Avoir quand même le temps de manger, en fin de compte, et s’installer dans la salle juste avant que les lumières s’éteignent. Star Trek XII. Très chouettes dialogues, Benedict Miam, mais toutes ces bastons et tout ce boucan, c’est moyen dans l’esprit de la série. Décrocher pendant une énième bataille spatiale. Toussoter. Il est vraiment bizarre ce gratouillis. Impression de sentir une tumeur pousser de seconde en seconde sur son larynx. Ou ses cordes vocales – notions d’anatomie assez floues. Prémisses d’une attaque de panique, alors qu’on n’en a pas eu depuis plusieurs années. Faire appel à tout l’arsenal de « trucs » développés au fil du temps pour la contenir. Se répéter en boucle la phrase entendue un peu plus tôt dans la bande-annonce d’un film à l’air pourtant bien débile: « Le danger est réel; la peur est un choix ». Eviter la crise discrètement dans le noir de la salle et le bruit des explosions. En sortant du ciné, quelqu’un propose d’aller boire un verre. Pourquoi pas, il fait encore jour et l’air est si agréablement doux. Atterrir au Cirio où on n’avait jamais mis les pieds avant. Jolie salle de brasserie, pas bruyante du tout. Commander un sirop de cassis; penser à Doudou et à son jardin où poussaient des légumes géants. Faire des projets de pique-nique estival. Parler de tout et de rien, mais en se marrant et en savourant le bonheur d’être précisément là, précisément à ce moment, précisément en cette compagnie. Peu à peu, la conversation animée et les éclats de rire dissipent le nuage noir tandis que sur la Grand-Place, la tour de l’hôtel de ville clignote en technicolor comme si c’était Noël. Encore une soirée de sauvée, et bien.

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4 réflexions sur “Le retour de Khan – et du nuage noir”

  1. Tasha Gennaro

    Les attaques de panique, l'horreur… Contente que tu aies réussi à sauver ta soirée. Mais la BA du film débile se trompe : la peur n'est pas un choix, hélas… C'est une émotion trop primaire pour cela. Disons que la phrase est séduisante en théorie, mais totalement inopérante.

  2. petit billet qui passe du triste au positif, on se sent proche de toi en le lisant, et on se dit que tu es quand même pas mal forte devant les gorges qui grattent/l'angoisse qui menace/les embouteillages qui plonbent…!

  3. Je te souhaite encore bien de soirées aussi agréables, histoire de combattre ce nuage noir qui gagne du terrain.
    Courage, Isabelle :

  4. Pour le mal de gorge persistant, mon copain a eu (j'ai l'impression) la même chose pendant 6 mois : c'était la déglutition qui le gênait le plus, il "sentait" sa gorge et avait parfois mal au cou, comme un torticolis qui ne voulait pas partir. Il a fait des analyses sanguines qui n'ont rien donné d'anormal, essayé divers traitements qui n'ont rien fait, et puis c'est parti tout seul. Un mystère quoi. J'espère qu'il en sera de même pour toi !

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