"Les jours sucrés" (Loïc Clément/Anne Montel)

A 28 ans, Eglantine apprend le décès de son père et part pour Klervi, le village breton de son enfance. L’occasion de se plonger dans sa vie d’avant et ses souvenirs enfouis en redécouvrant la boulangerie-pâtisserie familiale dont elle hérite. Elle y retrouve sa vieille tante Marronde entourée de matous envahissants et surtout Gaël, son « amoureux » d’enfance qui a bien grandi… Lorsqu’elle découvre le journal intime de son père, trésor renfermant tous ses secrets de vie et de cuisine, Eglantine se dit que c’est peut-être pour elle le signe d’un nouveau départ. 
Un notaire à moustache touffue, descendant de Gustave Doré et accro à la chantilly sur le café. Une vieille tante à « tronche de mérou », les yeux invisibles derrière ses grosses lunettes rondes en cul de bouteille, qui communique par écrit depuis qu’un AVC lui a fait perdre l’usage de la voix, se déguise en super héroïne pour traquer les cafards et patine de bonheur à la surface d’une tarte au citron. Un jeune instituteur roux qui vit dans un moulin et donne sur son temps libre des cours de soutien aux enfants d’immigrés. Une bande de chats gourmands, dont l’un tente depuis des années de se reproduire avec une guirlande électrique. Des guest stars sortis des pages de « Shä et Salomé » (dont je ne désespère pas de lire un jour d’autres aventures). Une boulangerie-couteau suisse qui va redonner vie à un village breton désertifié par la fermeture de la raffinerie voisine, et objet de la convoitise d’un grand fabricant de vin. Une histoire familiale qui n’est pas ce qu’on croyait, révélée par le journal intime d’un père longtemps détesté et récemment disparu. Des recettes gourmandes qu’on a envie d’essayer tout de suite – elle a l’air si bonne, cette soupe à la tomate de l’espace! Un petit coup de griffes bien mérité au monde de la pub. Et puis surtout, une jeune femme toujours en colère qui va réapprendre à faire confiance à la vie et à ceux qui l’entourent, à baisser ses défenses pour se laisser aimer.

Il y a tout cela dans les 145 pages de ces « Jours sucrés », avec en plus une bonne dose d’humour, de l’émotion à gogo, et une humanité profonde qui donne envie d’habiter dans un album de Loïc Clément et Anne Montel. Si j’aime tout ce que ce duo a produit jusqu’ici, « Les jours sucrés » est sans doute leur oeuvre la plus aboutie, la mieux structurée et la plus riche, celle qui trouve le plus juste équilibre entre une réalité pas franchement riante et le cocon de bienveillance qu’il est toujours possible de tisser autour de soi. La double page 46-47, où l’on voit en parallèle deux versions d’un mea culpa – l’une défensive et acerbe, répétée devant des peluches; l’autre fort contrite, en vrai face aux personnes concernées – est à elle seule un petit bijou de sensibilité et de drôlerie. Les dessins pleins de charme et de douceur regorgent de détails qui récompensent le lecteur attentif et fidèle. Bref, une réussite absolue. 





Merci à Dargaud de m’avoir envoyé cet album. Ma critique n’aurait pas été moins dithyrambique si je l’avais acheté avec mes sous. 

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5 réflexions sur “"Les jours sucrés" (Loïc Clément/Anne Montel)”

  1. Un de plus a ma liste 😉 je viens de lire les "Rosalie Blum", j'ai été conquise, je sais que je peux y aller les yeux fermes

  2. Merci beaucoup pour cette belle découverte. Suite à ce billet, je l'ai enfin lu hier. À la fin d'une journée bien grise et stressante, ce bijou a été une incroyable bulle de douceur.

    1. Si tu as aimé, je te recommande très chaudement les autres albums de ces deux auteurs!

  3. Ça commence à faire longtemps que tu as publié cette chronique, mais j'avais gardé le titre dans un coin de ma tête. Tout à l'heure je suis tombée dessus sur le site de ma médiathèque numérique locale, où il était mis en avant. Je l'ai emprunté, lu d'une traite et vraiment adoré. Malgré le fait que mon ordinateur n'est pas le support idéal pour lire des BD, j'ai été très touchée par l'émotion et la douceur qui se dégagent à la fois des dessins et de l'histoire. Quand le confinement sera fini, j'essayerai de le trouver en papier, au moins pour le feuilleter.
    J'étais déjà fan des dessins d'Anne Montel depuis que tu parles d'elle sur ce blog, mais c'était la première fois que je lisais un livre du duo Clément-Montel et je ne suis pas déçue. Je tenais donc à te remercier pour tes conseils de lecture, qui me donnent souvent très envie mais que j'ai rarement l'occasion de lire.

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