
Quand je suis venue vivre à Bruxelles à temps partiel, à l’automne 2007, le plan était le suivant: Chouchou s’installerait le plus vite possible en indépendant et développerait une activité gérable à distance, comme la mienne, pour qu’on ne soit plus obligés d’habiter dans un endroit précis. On utiliserait l’appart de Monpatelin comme base opérationnelle, mais on voyagerait le plus souvent possible, idéalement par périodes d’un à trois mois, en sous-louant des apparts ou en faisant du gardiennage de maisons, ce qui nous permettrait de bosser pour gagner notre vie tout en découvrant des endroits un peu comme si on y habitait vraiment. « Compte quatre ou cinq ans », m’avait-il dit à l’époque.
Il a fini par lancer son activité indépendante fin 2013 seulement, et à l’heure actuelle, nous ne sommes pas encore au stade où nous pouvons envisager de lâcher notre pied-à-terre bruxellois. Combien de temps faudra-t-il encore? Je l’ignore, puisque ça ne dépend pas de moi (et pas tout à fait de lui non plus, dans cette conjoncture). J’avoue qu’à certains moments, à force de voir l’objectif reculer sans cesse, j’ai même pensé qu’on ne l’atteindrait jamais. Ce qui a contribué à mettre de la tension dans notre couple. Je me sentais coincée à Bruxelles, dans un appart dont la seule vue commençait à m’exaspérer – mais pas question de déménager pour un autre: ça aurait été l’aveu qu’on n’était pas près de quitter la Belgique. Je commençais à en vouloir à Chouchou, et en même temps, je savais que lui mettre la pression ne ferait pas avancer le schmilblick. Sauf que quand je me retiens d’un côté, en général, je finis par lâcher de l’autre et par devenir désagréable pour un oui pour un non.
2015 a été vraiment difficile. Chouchou avait de gros soucis de boulot qui accaparaient son temps et créaient de fortes tensions dans notre vie domestique. Résultat: une énorme crise début août. Nous avons réussi à éviter le pire, mais à l’intérieur, j’avais complètement perdu la foi en lui, en nous et en notre avenir rêvé. Je me sentais vide et triste, ce qui a culminé par des fêtes de fin d’année à pleurer. Quelque part pendant la semaine entre Noël et le jour de l’An, j’en ai eu MARRE d’être dans cet état. J’avais deux choix: je pouvais quitter Chouchou pour vivre ma vie comme je l’entendais, comme cela m’était possible depuis longtemps déjà. Ou je pouvais estimer que ma priorité numéro un, c’était d’être avec lui, et que pour le reste, on verrait bien. Que mes projets ne se réaliseraient peut-être pas, ou seulement dans très longtemps, et qu’il fallait cesser de les avoir pour seul point de mire – sans ça, je serais toujours malheureuse et ça finirait par entraîner le naufrage de notre couple.
Je n’ai pas tellement hésité. J’ai choisi Chouchou. Je pense qu’aucun endroit au monde ne mérite qu’on renonce à se réveiller chaque jour près de quelqu’un avec qui même une promenade sous une pluie battante et dans un vent glacial devient une aventure rigolote.
Mais ce choix conscient devait s’accompagner d’un changement de point de vue et d’attitude. Je devais cesser de rouspéter après mes aller-retours mensuels entre Bruxelles et le Sud de la France, recommencer à tirer le meilleur parti possible de l’alternance couple/célibat, vie culturelle riche/météo de rêve. Je devais réinvestir l’appartement de Bruxelles, ne plus laisser s’accumuler les bricoles de travers, renouveler quelques petites choses pour m’y sentir bien. Je devais soutenir Chouchou dans ses efforts pour faire évoluer son activité, même si ça m’agaçait qu’il bosse le soir et le week-end, même si j’aurais voulu que ça aille plus vite. Je devais ruser pour nous organiser autant que possible de petits voyages dépaysants qui étancheraient malgré tout ma soif de choses à voir et à raconter. Je devais surtout lâcher prise sur ma conception de ce que ma vie aurait dû être depuis des années déjà, pour profiter de ma vie telle qu’elle était vraiment – c’est-à-dire, franchement enviable à bien y regarder.
Alors, voilà. Depuis le début de l’année, je fais tout ça, et je vais beaucoup mieux (quand je ne suis pas en train de faire des crises d’hypocondrie, ce qui est un autre problème). J’ai acheté une housse de couette avec des étoiles, un nouveau lampadaire qui donne plus de lumière, un tapis pour rendre notre coin salon plus douillet. Je savoure mes longs trajets en train dont je profite pour dévorer un roman à l’aller et un autre au retour. Je bourre mon agenda de sorties sociales ou culturelles. J’éteins mon ordinateur plus tôt et je vais me coucher avec un bouquin ou un magazine de développement personnel qui nourrit mon état d’esprit. Je dis plus souvent « Oui » à Chouchou et j’essaie de l’encourager au maximum, pas juste parce que j’attends quelque chose de sa part, mais parce que je veux qu’il réussisse pour lui avant tout. Je ne sais pas à quoi l’avenir ressemblera, peut-être pas à ce que j’espérais. Et ce n’est pas si grave, parce que le présent est déjà vachement chouette.
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Bonjour Armalite,
Je ne commente presque jamais mais c'est toujours une source d'inspiration de te lire. Bravo de considérer avec sagesse les choix que tu fais et de les assumer !
Et merci de les communiquer avec nous
LMJ
J'aime beaucoup ta conclusion. Il y a cette phrase un peu clichée " le bonheur c'est aujourd'hui" mais c'est assez vrai . Ça demande du courage de prendre chaque jour du bon côté et d'essayer d'en tirer le meilleur parti mais "ça paye"
Je partage cet état d'esprit que je résume pour ma vie à "aimer ce qui est".
J'ai beaucoup aimé ton post. Il faut du courage pour "choisir" le bonheur, comme pour tous les choix à faire dans la vie, qu'il faut aussi "assumer".
Mieux vaut voir le verre à moitié plein qu'à moitié vide. Le mieux est de prendre sa vie telle qu'elle est tout en cherchant à l'améliorer comme on peut
Je me reconnais bien dans tes mots… depuis lundi, j'ai des décharges électriques à la base du crâne. Comme nous étions en vacances, je n'ai pas pu aller chez le médecin et je te laisse imaginer au combien mon imaginaire me casse les pieds. Je sais, au fond de moi que ce n'est pas grave, (probablement un nerf coincé) mais je ne peux m'empêcher de penser à quelque chose de fatal, qui me rendrait aveugle et dans un état végétatif en moins de 2 semaines… bref. J'ai aussi les mêmes angoisses quand Mr Pops me dit qu'il ne se sent pas bien. Là aussi, j'imagine le truc affreux qui va me séparer de lui et pire encore, quand ça touche les enfants.
Je cherche depuis longtemps à me débarrasser de ces angoisses. Je connais leurs origines, je comprends leurs mécanismes et pourtant, je suis incapable de me délester de leur poids de façon satisfaisante. La kiné m'aide beaucoup, j'ai l'impression d'être beaucoup plus raisonnable et d'avoir des moments de paix intérieure depuis que je suis "suivie". Mais j'aspire à avoir l'esprit totalement libre, ça ne me suffit donc pas.
Mr Pops, me dit que, c'est mon âge qui me fait partir comme ça dans tous les sens, cette fameuse crise de la quarantaine où tu prends du recul sur ton vécu et où tu te rends compte que le temps qui te reste t'es peut-être maintenant compté. Le fait que tu ne puisses avoir aucune prise là-dessus et de devoir accepter enfin que tu n'es pas immortelle. Je crois qu'il a raison, c'est effectivement à cap à passer et j'espère au même titre, qu'avec l'âge, je me suis libérée de certains complexes, je me libérerais de ces craintes.
Et je n'ai pas du tout poster mon texte au bon endroit
C'est l'une des raisons pour lesquelles j'aime tant te lire: ta capacité à aller au fond des choses, à fouiller pour trouver une vénérable solution, à ne pas te laisser aller à la facilité. C'est faire preuve de grande intelligence, de maturité, je trouve…chapeau à toi madame!