Aussi vite que possible, aussi lentement que nécessaire

Avant-hier soir, je ronchonnais ferme pendant mon appel vidéo avec Chouchou:
– Tu te rend compte que maintenant, je dois organiser un déménagement international doublé d’un déménagement local, sans aucune perspective de voyage pour me servir de carotte? Pendant un an à vue de nez, tout mon temps libre et tout mon argent vont être consacrés à des trucs hyper stressants, et je ne pourrai même pas tenir bon en pensant aux prochaines vacances. J’en déprime d’avance. 

Quand j’ai pris, courant janvier, la décision de larguer l’appartement de Monpatelin pour aller m’installer officiellement à Bruxelles avec Chouchou, j’étais un peu triste et anxieuse, mais aussi très soulagée à l’idée de me simplifier la vie… à long terme. Sur le court terme, je me doutais du bazar que ça allait engendrer: les multiples démarches administratives à effectuer, les prises de tête qu’elles allaient engendrer, les décisions anxiogènes que je devrais prendre, les problèmes matériels qu’il faudrait gérer… Mais je me disais que j’allais faire ça à mon rythme, en rechargeant périodiquement mes batteries lors des voyages que nous avions prévus: le road trip écossais pour les 50 ans de Chouchou, une escapade londonienne cet été, peut-être un city trip européen pendant l’automne, puis de nouveau Singapour pour mes 50 ans en mars prochain. L’objectif était d’être officiellement résidente en Belgique fin 2021. Pas d’urgence et un minimum de stress. 
Puis le rouleau compresseur du Covid-19 est passé par là. Après avoir enchaîné six attaques de panique en deux mois à l’idée d’être séparée de Chouchou, j’éprouve un besoin impérieux d’accélérer le mouvement. Je ne veux pas me précipiter non plus: ça ne me réussit jamais et je ne m’en sens tout simplement pas capable. Mais sachant qu’on ne pourra plus partir en vacances l’esprit tranquille tant qu’il n’y aura pas de vaccin, autant profiter de cette période pour se débarrasser de toutes les corvées liées à ce changement de vie. Et même si ça m’ennuie beaucoup, le fait de n’avoir aucun autre projet auquel consacrer mon argent et mon énergie m’obligera à rester concentrée sur le ballon. 
Cela fait maintenant 14 ans que je me tape des aller-retour mensuels entre Bruxelles et Monpatelin. L’idée initiale était que, sous 4-5 ans, Chouchou deviendrait indépendant et passerait complètement en télétravail; il quitterait alors Bruxelles pour venir se baser à Monpatelin avec moi, et nous mènerions une existence nomade, trois mois par-ci trois moi par-là avec un Visa touristique, en sous-louant un logement à destination et en bossant sur place comme nous l’aurions fait « à la maison ». Mais l’évolution de sa situation professionnelle – en gros, l’impossibilité de se détacher physiquement de Bruxelles – a longtemps retardé l’exécution de ce projet. Si je veux être honnête, ça fait déjà plusieurs années que je sais qu’il est tombé à l’eau. Nos mères vieillissent, nous aussi, et avant même que la pandémie en cours ne bouleverse pour longtemps les possibilités de voyage faciles et pas chères, mon envie de nomadisme perpétuel avait sérieusement diminué. 
J’aurais dû me débarrasser de mon appartement et m’installer à Bruxelles depuis longtemps. Trois choses me retenaient pour parties à peu près égales. D’abord, je n’avais pas envie de gérer le bazar administratif et matériel que ça impliquerait. Ensuite, même si je n’ai plus beaucoup de famille ni d’amis dans le coin, mes racines toulonnaises sont assez profondes pour m’avoir toujours ramenée ici – après mes études à Toulouse, après mon divorce et mon année aux USA… Et j’adore mon petit duplex douillet, avec sa bibliothèque sur mesure et la jolie vue sur le Coudon que je peux admirer en levant le nez de mon bureau. Enfin, après un divorce et un dépacsage, j’avais développé une énorme peur de l’engagement alimentée par mes disputes apocalyptiques avec Chouchou. 
Cette peur a fondu comme neige au soleil pendant le confinement. Oh, je ne doute pas qu’on s’écharpera encore (même si on a fait beaucoup de progrès dans la gestion de nos différends), mais je suis désormais convaincue que nous avons ce qu’il faut pour tenir la distance, que nous sommes tous les deux hyper investis dans notre couple et capables de surmonter la plupart des épreuves que le monde extérieur peut nous jeter à la figure. A condition d’être ensemble pour de bon, pas domiciliés dans deux pays différents sans aucun lien officiel à faire valoir devant la loi en cas de gros problème. 
Devoir organiser ce changement de vie dans les circonstances actuelles n’est pas du tout ce que j’aurais choisi. Mais visiblement, l’univers a décidé de se passer de mon avis dans la gestion de ses affaires courantes. (Je sais, c’est moche.) Je peux pleurnicher sur mon sort en mode Caliméro, ou je peux tenter de voir le bon côté des choses. Désormais, j’ai une motivation en béton; rien ne va me faire douter de ma décision ou me donner envie de rétropédaler. Et je dispose, fût-ce malgré moi, d’une période d’environ un an où aucune entreprise plus séduisante ne va venir me détourner de mon objectif. Où je vais pouvoir m’investir un maximum dans ce déménagement, sans la pression d’une date-butoir imposée par l’extérieur grâce au fait que je suis à la fois free-lance et propriétaire de mon logement actuel. Bref, je vais pouvoir procéder à la suisse: aussi vite que possible, aussi lentement que nécessaire. 

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4 réflexions sur “Aussi vite que possible, aussi lentement que nécessaire”

  1. Super projet, félicitations !
    Tu pourras retourner sur Toulon en "touriste", avec les sous économisés sur tes charges et trajets habituels 🙂

  2. MadeleineMiranda

    Félicitations pour ce projet! Est-ce que tu penses acheter un appartement ou une maison en Belgique avec Chouchou du coup? 🙂 Bon courage pour le déménagement et le tri des affaires etc 🙂 Bises!

  3. @MadeleineMiranda: Non, je pense qu'on va juste louer un appartement plus grand. D'une part, je n'ai pas envie de me remettre un crédit immobilier sur le dos; d'autre part, j'aimerais vraiment quitter Bruxelles dès que ce sera possible (mon rêve étant de m'installer à Edimbourg).

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