Où je me tape 1000 kilomètres en train 3 jours après la fin du confinement

Avertissement: ceci est un billet très peu passionnant, écrit dans le seul but de rassurer les anxieux comme moi qui devraient prendre le train dans les jours à venir. 



Ce jeudi, je l’attendais et le redoutais en même temps depuis l’annonce de la date du déconfinement. J’avais décidé que le stress de rester à Bruxelles avec Chouchou, mais en laissant en suspens tous les problèmes que je devais régler en France, serait probablement supérieur au stress d’être chez moi sans lui – même si pas de beaucoup. Du coup, j’avais réservé à prix d’or un trajet compliqué à base de Thalys + TGV + TER. Entre les grèves de la fin de l’an dernier et le confinement, je n’ai pas eu un voyage en train qui s’est passé comme prévu depuis plus de six mois, et dans les circonstances actuelles, je flippais comme une folle malgré les mesures de sécurité annoncées par la SNCF.

C’est donc très tendue qu’en ce 3ème jour de déconfinement français, j’arrive à la gare du Midi une heure avant le départ de mon Thalys. Chouchou m’a accompagnée en Cambio pour m’éviter de prendre bus et métro, mais des policiers postés au bas des escalators ne laissent accéder aux quais que les personnes munies d’un titre de transport. Nous nous quittons donc dans le hall: un au revoir plutôt bref et formel, d’une part à cause de nos masques et d’autre part parce que je ne veux pas craquer là et maintenant. Nous nous sommes dit tout ce que nous avions à nous dire ces derniers jours, et je hais les adieux larmoyants. 
Un guichet temporaire a été installé sur le quai; des employés vérifient encore les titres de transport avant de laisser les passagers approcher du train. Pour une raison que j’ignore, quand j’ai réservé mon billet en ligne, la fonction de remplissage automatique a mis le nom de ma rue à la place de mon nom de famille, ce dont je ne me suis aperçue que trop tard et qui m’a angoissée jusqu’à maintenant. Mais il n’y a pas davantage de vérification d’identité que d’habitude. Tout le monde est assez calme, porte un masque qu’il garde à bord et respecte bien les consignes. Un siège sur deux est censé rester inoccupé, mais à vue de nez, le taux de remplissage ne dépasse pas 40% de toute façon. Pendant le trajet, un contrôleur circule en distribuant des attestations de déplacement international à ceux qui n’en auraient pas prévu – la mienne est bien entendue imprimée et remplie depuis plusieurs jours.
Lorsque nous débarquons à la gare du Nord 1h22 plus tard, une file se forme pour passer le contrôle de police au bout du quai. Des petits cercles blancs au sol nous indiquent où nous positionner pour rester à plus d’un mètre les uns des autres. File de gauche pour les Français, file de droite pour les autres nationalités. J’étais en queue de train, et je mets environ 20 mn à franchir ce barrage. (J’ai bien fait de ne pas accepter le trajet initialement proposé par le site de la SNCF, qui me laissait moins d’une heure pour ma correspondance avec la gare de Lyon: j’aurais forcément loupé mon TGV.) L’agent me demande ce que j’étais allée faire en Belgique; je lui réponds, billet d’avion à l’appui, que j’étais coincée là-bas depuis avant le début du confinement. Par ailleurs, il me confirme que pour la suite de mon trajet, l’attestation dont j’aurai besoin n’est plus l’internationale, mais celle des + de 100 km du domicile. Ca ne me paraît pas très logique, mais j’en avais quand même emporté une au cas où, et je me félicite de ma prudence. (Cela dit, personne ne me la demandera.)
Voyant que le métro semble presque désert à cette heure, et vu que j’ai des tickets sur moi, je décide de tenter le RER D, puis me ravise en voyant que le prochain passe dans une demi-heure. Je me dirige donc vers la file des taxis à l’extérieur de la gare. Le chauffeur de la voiture de tête ne porte pas de masque, ce qui me donne un mouvement de recul. Je m’apprête à tourner les talons quand il en attrape un accroché à son rétroviseur et l’enfile. Il m’annonce que pour la gare de Lyon, le tarif forfaitaire est de 30€. Ca me paraît cher pour un trajet de moins de 5 km que nous allons faire en un quart d’heure vu le peu de circulation, mais OK – lui aussi a dû avoir deux mois difficiles financièrement; je ne vais pas mégoter. Pendant que nous roulons, il m’explique qu’en effet, pendant le confinement, les seules courses à faire étaient pour emmener des gens à l’hôpital, et qu’il avait choisi de rester chez lui afin de préserver sa femme et ses cinq enfants. Quand nous passons la place de la Bastille, il peste parce que celle-ci a été réaménagée pour faire de la place aux vélos, et que du coup, ce n’est plus un rond-point. Le malheur des uns, etc.
Me voilà donc gare de Lyon presque deux heures avant le départ de mon TGV. Il y a du monde, mais beaucoup moins que d’habitude. Les gens portent un masque, ne parlent presque pas et restent assis ou debout à la même place au lieu de circuler dans les halls. Je cherche à manger: même dans les points de restauration à emporter, très peu de choses sont ouvertes. Je finis par dénicher un Buddha Bowl décent au corner Monop Daily d’un Relay dont les rayons presse sont quasiment vides. Je le mange debout à une grande table commune dont la moitié des places sont barrées d’une croix autocollante. Mon plat terminé, j’enferme mon vieux masque dans la boîte en plastique pour le jeter, et j’en mets un nouveau. Je ne trouve pas d’endroit où me poser et l’attente me paraît longue avec mon gros sac sur le dos. Quand on annonce que le TGV de Nice partira de la voie G, tout le monde s’avance en même temps. Ce n’est pas la cohue comme d’habitude, mais il n’y a certainement pas un mètre entre moi et mes voisins. Une fois passé le portillon, toutefois, la circulation se fluidifie.
Ce train-là est encore moins rempli que mon Thalys du matin: probablement un siège sur 4 maxi, et en plus, il y a un rack à bagages de l’autre côté de l’allée par rapport à ma place. La plupart des voyageurs sont seuls, gardent leur masque à bord et se taisent. En l’absence de voiture-restaurant, peu d’entre eux se déplacent durant le trajet. Je me sens suffisamment en sécurité pour m’assoupir adossée à la fenêtre: j’ai très peu dormi les deux dernières nuits; j’en ai vite marre de surfer sur internet (pour une fois que le wifi du bord fonctionne!) et j’ai du mal à me concentrer sur mon bouquin. Du coup, je ne vois pas vraiment passer le temps jusqu’à Marseille, où nous arrivons à l’heure.
Je change une nouvelle fois de masque avant de descendre et me dirige rapidement vers le TER choisi car il peut me déposer à Monpatelin, mais… sa destination a été modifiée, et il fait désormais terminus à Toulon, ce qui ne m’arrange pas du tout. Je me résigne donc à attendre une demi-heure pour prendre le suivant. Mon code QR refuse de fonctionner au portillon d’accès: en réservant, je me suis trompée et j’ai cliqué sur « Marseille Blancarde » plutôt que « Marseille Saint-Charles » dans le menu déroulant du point de départ. Ca fait moins d’un euro de différence sur le tarif, et les contrôleurs sont sympas: ils me laissent passer quand même. Ouf! Le TER est quasiment désert, à peine une autre personne qui écoute de la musique de merde à l’étage de ma voiture pendant tout mon trajet. Une énorme averse s’abat sur nous entre Aubagne et Cassis, mais heureusement, la pluie a cessé quand je débarque à la gare de Monpatelin. Le voyage au sujet duquel j’angoissais tant s’est finalement déroulé sans (grosse) anicroche et dans le calme. 

Sauf exception, les commentaires sont désactivés. Si vous voulez poursuivre la conversation, je vous invite à le faire sur la page Facebook du blog.

7 réflexions sur “Où je me tape 1000 kilomètres en train 3 jours après la fin du confinement”

  1. Je commente peu mais te lit depuis de longues années et j'espérais qu'hier tout se soit bien passé. Contente de voir que ce fut globalement le cas 🙂

  2. Heureuse de lire que tout s’est passé dans le calme. Et d’avoir des détails pratiques sur une journée en déplacement avec un masque, l’air de rien. Ma grande question, par exemple, c’est, vu qu’on ne peut pas enlever et remettre le masque d’après ce que j’ai compris , comment on fait pour s’hydrater quand on le porte longtemps? Je n’ai qu’un masque en tissus et une fois en route, je me sens complètement bloquée alors que je bois habituellement énormément d’eau pour prévenir mes migraines. On a plein de choses banales à re-inventer.

  3. @Ness: Si tu dois boire, tu te laves les mains (savon ou gel hydroalcoolique), tu retires un des élastiques et laisse pendre le masque à ton autre oreille, tu bois, tu remets le masque en place et tu te relaves les mains. En gardant en tête que tu es censée change de masque toutes les 3 ou 4 heures, et pas conserver le même toute la journée. Oui, c'est fort contraignant.

  4. Super ! Pourvu que le reste de ton planning se déroule tout aussi bien 🙂

  5. Tellement soulagée que ton trajet se soit déroulé, non pas entièrement sans encombres, certes, mais avec des encombres que tu as pu résoudre. J'ai souvent pensé à toi jeudi en espérant que tout se passe bien.

  6. @Ophelia: Cette dois, je vais peut-être retenir le message: les choses ne se déroulent jamais aussi mal que je l’imagine et le redoute…

  7. @Armalite Oui et ça peut aussi être utile de tenir un petit registre mental des fois où ça n'a pas été si terrible, histoire d'avoir des contre-arguments pour soi-même quand surviendra une nouvelle raison d'angoisser. Parce que retenir une fois pour toute le message, ça risque de ne pas marcher. (D'une anxieuse à une autre.) Et face à des problèmes, tu as trouvé des solutions. Et ça aussi, noter mentalement peut être utile pour son soi futur qui angoissera: même si j'ai eu des problèmes à tel moment, j'ai trouvé des solutions, donc ça peut se reproduire. Donc même pas peur (ou presque haha).
    En tous cas, encore ravie de te savoir à bon port en un morceau.

Les commentaires sont fermés.