
Si tout se passe bien, je rentre en France jeudi prochain par une combinaison de 3 trains + un taxi (hors de question que je prenne le métro dans Paris). La journée s’annonce tendue, au point que Chouchou m’a très sérieusement suppliée de ne rien faire qui puisse m’envoyer en prison. Note à moi-même: arracher la tête des gens sans masque qui s’approcheraient trop de moi, c’est non.
Pendant que les autres se réjouissent de retrouver bientôt leurs proches, je m’apprête à quitter le mien. Plusieurs personnes m’ont demandé pourquoi je ne restais pas tranquillement à Bruxelles en attendant la fin de la crise, au lieu de me replier seule à Monpatelin pour flipper sur la date – inconnue à ce jour – où l’un de nous deux serait autorisé à rejoindre l’autre. Le truc, c’est que si je restais à Bruxelles, ce ne serait pas tranquillement du tout, mais en flippant pour le suivi médical retardé, l’administratif en souffrance et les problèmes matériels à régler de façon plus ou moins urgente. Donc, tant qu’à souffrir d’un côté ou de l’autre de la frontière, autant que je fasse ce qui doit être fait, et autant que je le fasse le plus vite possible, avant que la seconde vague ne nous paralyse de nouveau pour une durée indéterminée. (Non, je ne suis pas optimiste.) (Mais si j’étais vraiment pessimiste, j’aurais dit deuxième.)
Je m’attends à ce que Chouchou me manque horriblement. Je m’attends à angoisser en l’imaginant tomber malade à mille kilomètres de moi. Je sais que ces deux choses sont inévitables, qu’elles m’assailliront par vagues à des moments aléatoires, et que je devrai me débrouiller pour garder la tête hors de l’eau jusqu’à ce qu’elles refluent. Et qu’elles reviennent à la charge. Et qu’elles refluent de nouveau. Pour me donner du courage ces derniers jours, je n’ai pas fait que goûter les cocktails en bouteille du LIB: j’ai dressé une liste de toutes les choses positives que j’allais pouvoir faire dans la solitude de Monpatelin. Sans obligation de productivité, juste pour avoir des options parmi lesquelles piocher si j’éprouve le besoin de m’occuper le cerveau ou les mains.
L’UTILE:
– Refaire mon frottis foireux en croisant les doigts pour que tout aille bien
– Retourner chez mon généraliste pour me faire mettre sous anti-dépresseurs si nécessaire
– Remplir ma déclaration de revenus 2019, et ma déclaration URSSAF quand ce sera enfin possible
– Faire venir le spécialiste anti-fourmis
– Changer mon cumulus avant que le vieux ne provoque un dégât des eaux
– Changer mon four cassé et remplacer la plaque au gaz que j’ai peur d’utiliser par une vitrocéramique
– Faire venir mon menuisier pour réaliser les petits aménagements dont nous avions parlé début mars
– Repeindre mes toilettes actuellement mauves, et pourquoi pas ma chambre actuellement rose bubble gum – ne me jugez pas, c’était mes goûts de janvier 2003
– Déballer la machine à coudre que mon ex m’avait offerte un Noël; voir si j’arriverais à faire deux-trois trucs basiques avec (au hasard: un ourlet ou un masque trois plis)
– Renouveler ma carte d’identité
– Donner mon sang si la mairie organise une nouvelle collecte
– Prendre contact avec les agences immobilières locales pour étudier la mise en vente ou en location de mon appartement d’ici l’an prochain
– Me renseigner sur les meilleures dispositions fiscales pour quelqu’une qui veut se domicilier en Belgique tout en conservant des revenus qui proviendront exclusivement de France
– Commencer à vider un maximum de choses que je ne garderai pas: livres, fringues, bibelots, meubles non-essentiels…
L’AGREABLE:
– M’entraîner sérieusement à la gouache
– Photographier le coucher de soleil depuis la fenêtre de mon bureau, tous les soirs jusqu’à mon retour à Bruxelles; l’utiliser comme illustration du « Journal de solitude » qui succèdera à mes « Chroniques du confinement »
– Piocher dans ma bibliothèque papier des lectures qui font du bien: « Quatre soeurs », l’intégrale de Jeeves, les albums de Calvin & Hobbes…
– Faire le plein de bédés parmi les nouvelles sorties de fin mai et de juin: j’attends avec impatience le premier tome du manga LGBT+ « Autour d’elles« , ainsi que le nouveau Cati Baur et le « Jeannot » de Loïc Clément illustré par Carole Maurel
– Reprendre sérieusement le yoga avec Adriene ou une autre prof en ligne (j’ai davantage de place chez moi que chez Chouchou, ce qui rend les séances plus faciles et agréables)
– Profiter de la faible densité de population de Monpatelin pour sortir régulièrement me dégourdir les jambes
– M’offrir plein de fleurs fraîches – mon beaucarnéa chéri sera sûrement mort faute d’arrosage pendant plus de deux mois, mais si les pivoines sont belles cette année, ça me consolera un peu!
– Regarder des séries en simultané le soir avec Chouchou et faire le débriefing des épisodes ensuite sur Facetime
– Envoyer du vrai courrier à Chouchou
– Envisager une expédition à Aix-en-Provence pour une journée si je reste coincée longtemps sur place sans que la situation sanitaire me paraisse trop craignos
– …et pourquoi pas un week-end en thalasso du côté de Bandol-Sanary à condition de trouver un établissement à cheval sur les mesures de sécurité? (Bon là OK, je commence à délirer un peu.)
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