[ANVERS] Le Mexicain géant n’assure pas un cachou

En me réveillant, je demande à Chouchou s’il a bien dormi. Il grimace. « Entre la forme du lustre et la découpe des rideaux, j’ai vu un Mexicain géant penché sur moi toute la nuit. » Je me lève et passe à la salle de bain. La petite trousse de toilette que j’avais posée sur le bord du lavabo est trempée comme si on l’avait laissée tomber dans une mare, alors que quelqu’un s’est probablement contenté de se rincer les dents d’une façon très… exubérante. Je rapporte ma découverte à Chouchou, qui ouvre de grands yeux innocents. Sûrement un coup du Mexicain géant.

Nous quittons l’appartement à 10h30 avec nos petits bagages, et nous nous dirigeons vers le musée des Beaux-Arts où nous avons deux expositions à voir. Nous nous arrêtons pour bruncher dans un café tout proche, le Butcher’s Coffee. Oui mais voilà: ils ne servent pas de nourriture en terrasse; or à l’intérieur, les tables minuscules sont collées les unes contre les autres et le brouhaha atteint un niveau sonore très limite. Je décide de rester quand même – beaucoup d’autres établissements du quartier affichaient déjà complet il y a quelques jours, et je meurs de faim. Le burger de Chouchou et mon English breakfast sont très bons, mais vraiment minuscules pour le prix payé. Par contre, ils ont des autocollants à la caisse.

Le KMSKA accueille depuis une semaine la « Promenade nocturne » d’Hans op de Beeck. Plus qu’une exposition, c’est une expérience. Dans une obscurité presque totale se dressent des statues grandeur nature, d’un gris uniforme et si finement détaillées qu’on croirait de vraies personnes pétrifiées. J’ai l’impression de m’enfoncer dans une forêt dont les habitants seraient sous l’emprise d’un sort. Parfois, des bruits de nature ou des chuchotements indistincts viennent troubler le silence. C’est à la fois poétique et un peu inquiétant. On oscille entre le conte pour enfants façon Peter Pan et le délire macabre à la James Ensor. Nous sommes très agréablement impressionnés tous les deux. Si jamais vous avez l’occasion de passer à Anvers d’ici le 17 août, je vous le recommande chaudement.

Nous ressortons de là un peu étourdis et nous mettons en quête de l’autre expo que je souhaitais voir: celle qui est consacrée à l’artiste belge Panamarenko. Une guide néerlandophone très fière de me parler en français avec un accent à couper au couteau (vu que je connais royalement 20 mots de flamand, je ne me moque pas du tout) nous informe qu’elle se trouve au 3ème étage et nous indique l’ascenseur le plus proche. Le KMSKA est vraiment immense, et la richesse de son programme justifie largement les 20€ de l’entrée même si on n’a pas de Museum Pass.

« Panamarenko voyait l’art comme une aventure, une recherche de l’inattendu et de l’inconnu. Ses inventions et ses créations nous incitent à regarder le monde d’un œil différent. Albert Einstein a dit un jour que le jeu est la forme la plus élevée d’investigation, une déclaration qui correspond parfaitement à la pensée de Panamarenko. L’artiste a utilisé les lois de la science comme des règles de jeu, créant ainsi un univers parallèle et alternatif. Il ne s’est pas complètement détaché de la réalité, mais il a fait preuve de curiosité. Nous montrons qu’il était toujours à la recherche de magie, d’émerveillement et de poésie« , dit le livret du musée. Je tombe aussitôt amoureuse de ses créations ludiques, et notamment d’une sorte de jet pack baptisé Super Pepto Bismo. Où sont les Mexicains géants quand on aurait besoin d’eux pour fracasser une vitrine et s’enfuir avec un sac à dos merveilleusement hérissé de rotors?

Après ça, je commence à saturer un peu, mais je me laisse encore tenter par une expérience muséale du KMSKA qui a décidé d’installer des pièces modernes au milieu de sa collection permanente d’oeuvres classiques. De fait, on y trouve quelques juxtapositions assez réussies. Nous traversons néanmoins l’enfilade de pièces au pas de course pour ne pas risquer d’invoquer Super-Chonchon. Enfin, j’utilise mes dernières gouttes d’énergie pour effectuer quelques emplettes à la boutique du musée. En cas d’effondrement de la civilisation, je dois pouvoir survivre rien qu’en troquant des mugs souvenirs.

Entre nos tâtonnements avec les trams pour atteindre la gare et une correspondance de trains beaucoup plus longue que d’habitude en ce week-end de grève, le retour vers Bruxelles se révèle assez laborieux. Je savais bien que j’aurais dû emporter ce jet pack. Je passe la seconde moitié de l’après-midi avachie dans le canapé et vais me coucher tôt pour tenter de récupérer du passage à l’heure d’été.

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